16 December 2011

Hanoucca (Inauguration) première partie

Qu’est-ce que l’on fête à Hanoucca ? Est-ce la victoire contre l’occupation Séleucide (les Greco-Syriens) qui mena vers l’indépendance d’Israël par les Maccabéens ou alors, le miracle de Hanoucca serait-ce plutôt, cette petite fiole d’huile qui fut trouvé dans un coin du Temple de Jérusalem et qui avait une quantité suffisante pour brûler les mèches de la Ménorah (chandelier à sept branches) pour un jour mais qui en définitif (et voici le miracle) avait brûlé pendant huit jours ?
Cette fête a donc un aspect national et d’autre part, « la célébration religieuse de la fête des lumières » qui commémore le miracle de la fiole d’huile trouvée dans le Temple.
Deuxième question que nous pose le Rav Leon Askénazi (ז'ל) : « Comment se fait-t-il que dans la canonisation du « Tanakh » il n’y a aucun livre qui parle de Hanoucca ? (Tanakh = la Bible, qui fut écrite par le Peuple Juif et que les Chrétiens appellent l’Ancien Testament)
Et comment se fait-il que la formule de la Guemara soit : נס חנוכה לא נתן להיכתב – Ness Hanouca lo nitan lehikatev - le miracle de Hanouca n’a pas été donné à être mit par écrit » ? - La Mishna et la Guemara ensemble, forment le Talmud. L’explication du Talmud en une phrase serait: « L’histoire et les études de la mémoire du Peuple Juif »
Par exemple pour la fête de Pourim, nous avons un livre qui évoque l’histoire d’Esther et de Mardochée, la « Mégilat Esther », eh bien nous n’avons pas de « Mégilat Judah le Maccabéen… » ? Par contre nous lisons des louanges, le Hallel (un ensemble de louanges qui est lu lorsqu’on commémore un miracle) pendant les huit jours de Hanouca mais nous ne lisons pas « le Hallel » pour la fête de Pourim ?
Eh bien, sur ce sujet la réponse est assez simple: l’Evènement historique de Pourim ne s’est pas passé sur la terre d’Israël.

Donc nos deux questions sont :
1) Qu’est-ce que la tradition a décidé de commémorer à Hanoucca ?
2) Quelle est la raison que rien n’a été mis par écrit ?

Une introduction de ce sujet est nécessaire: !
La structure du calendrier hébraïque est très précise, c’est une science pour elle-même et son étude est passionnante. Tout se passe comme si le calendrier récapitulait dans une année, toute la conception que la tradition se fait de toute l’histoire du monde, depuis la Création jusqu’à l’aboutissement messianique. Ce qui veut dire que la personne qui comprend bien ce qui se passe dans le calendrier d’une année, connait toute la tradition juive. Ce principe est vrai pour toutes traditions religieuses, juives ou non-juives. Mais dans la plupart des traditions religieuses cette science a été oubliée, elle est restée par contre dans le judaïsme.
Dans les autres calendriers des bribes ont été gardées; par contre une partie importante de ce que nous appelons la Kabbalah, le (soit disant) mysticisme juif, est justement la compréhension du calendrier hébraïque.
A l’existence microscopique d’un homme, le temps du monde est infini, on est perdu dans ce temps. Cependant la tradition vient nous enfermer tout cela dans un rythme de temps de vie qui est à notre porté, c'est-à-dire : en une année. Et pendant une année nous vivons la vie du monde dans son sens biblique, dans son sens prophétique, messianique…
Ceci dit, le temps de l’année (suivant le calendrier traditionnel juif) n’est pas un temps homogène (comme disent les mathématiciens lorsqu’ils parlent du temps). Ce qu’il faut comprendre par cela, c’est qu'un jour du mois de « Tishri » n’est pas la même-chose qu’un jour du mois de « Nissan » et qui n’a pas la même qualité qu’un jour du mois de « Sivan » ainsi qu’un jour du mois de « Kisslev ». Le temps a une qualité, jour par jour, heure par heure, minute par minute. Le temps est qualifié.
Par contre, le temps homogène est un temps où l’on s’ennuie. On invente donc des articles afin de nous moderniser, de vivre avec son temps. Personnellement j’en suis très content, cela nous aide beaucoup et cela contribue à une société saine et productrice. Mais en faut-il une telle quantité, faut-il que les produits se changent tous les ans ? Deviendrions-nous « vieux-jeux – Altmodisch » si nous produisions les mêmes articles (avec une technologie plus avancée) mais uniquement tous les deux ou trois ans… ? Souvent j’ai l’impression que différents articles sont produits pour nous faire « tuer le temps »!
Le temps a donc une qualité dans une société traditionnelle, la musique que l’on chante, dépend du moment où on la chante. Il y a des airs du matin, de l’après-midi, des airs du soir, il y a des airs du printemps, des airs de l’été ou des airs de l’automne, ainsi que des airs de l’hiver. Et c’est un manque de goût épouvantable de chanter des mélodies d’hivers en plein été…
Tout cela a été oublié dans les sociétés modernes. On a perdu cette dimension de la qualité de l’expression dans le temps. Par exemple dans la liturgie traditionnelle juive du shabbat matin, on ne chante pas un « kaddich » sur l’air avec lequel on le chante le vendredi soir… Il y a donc une sensibilité très profonde et les fidèles des communautés juives chantent les airs dans le temps du moment qu’ils doivent être chantés. Ce phénomène va aussi bien pour le lyrique que pour l’architecture… Par exemple si nous entrions dans un quartier d’une ville moderne, il n’y aura aucun sens à la topographie que l’architecte a inventé. Mais si nous entrions dans un village d’un terroir préservé des grands carrefours de la circulation eh bien, on sentira qu’il y a une architecture dans l’espace qui a une signification profonde pour elle-même. Chaque village est organisé d’une certaine manière, c’est un village qui a une âme… Et chaque terroir a sa tradition culinaire, sa tradition vestimentaire, sa tradition de dance.
Mais surtout ne comparez pas cela au folklore car le folklore est tout cela mais artificialisé, je dirai même assassiné. Il vaudrait mieux ne pas toucher à ces choses, que d’en faire du folklore!
Il n’y a pas de doute que les mouvements de jeunesses comme les mouvements de scouts ont ressenti le besoin profond de se recycler dans ce genre de vie naturelle. En organisant des feux de camps (ceux qui sont réussis) eh bien on ressent comme si l’on vivait un certain mystère… Tous ces sentiments-là, la conscience moderne me semble l’avoir complètement perdue. Il s’agit donc de récupérer le « goût de la vie », cette vie parallèle à nos traditions, à notre identité, sur notre terre. Nous devons continuer l’étude et les recherches de la science et de la technologie mais il ne s’agit pas de vivre au nom de cette technologie, il ne s’agit pas de vivre au nom d’une vie totalement artificielle afin de « tuer » le temps pour ne pas s’ennuyer!
En conséquence, le judaïsme détient une structure du calendrier qui est absolue pour elle-même. Chaque jour de l’année est un jour différent, préalablement à l’évènement historique qui va lui donner sa signification historique à travers le temps de l’histoire.
Prenons par exemple Péssach (qui est la fête de la Pâques Juive). Péssach se fête à partir du 14 du mois de Nissan, la nuit de la pleine lune du printemps. Or ce jour-là n’est pas n’importe quel jour de l’année. Car depuis la création du monde (dans la tradition juive), ce jour-là est Péssach, avant-même que l’évènement historique l’avait rejoint. Quand l’évènement historique eut lieu, on a pu répondre à la question : A partir de maintenant, qu’est-ce que l’on commémore à Péssach définitivement ? Eh bien, l’évènement essentiel: La Sortie d’Egypte!
Cependant, Péssach était vécu avant-même l’année de la sortie d’Egypte. A ce moment-là, Péssach avait une signification mais encore codifiée, approximative. Bien que les patriarches fêtaient Péssach, en préfiguration d’un évènement qui n’était pas encore arrivé…
Au moment de l’histoire où l’évènement essentiel est arrivé et qui correspond au jour de Péssach, le 14 du mois de Nissan qui signifie dans l’histoire naturelle « la libération du monde »… Après la première nuit du printemps, le monde se libère du froid de l’hiver (c’est encore l’hiver, la terre et l’âme en jachère en attendant le retour de la sève…) Eh bien, l’évènement arrivé, les mazots (le pain azyme) que l’on connaissait depuis toujours, furent adoptées pour commémorer la sortie d’Egypte!
En bref, les Hébreux ont vécu le calendrier hébraïque avant même les évènements historiques qu’ils ont rencontrés, chacun en leur temps. Ainsi nous concevons qu’il y a encore des dates qui n’ont pas rencontrées leurs évènements historiques…
Voici encore un détail pour mieux éclairer la pensée juive sur ce thème :
Cela veut nous dire que la sortie d’Egypte ne pouvait pas se faire un autre jour que le 14 du mois de Nissan ? Eh bien ! Oui, c’est normal… Car s’il y a une cohérence dans l’histoire du monde, la libération de la nation se fait le jour de la libération dans l’histoire naturelle, il n’y a pas d’autre jour possible!

Nous sortons d’une civilisation moderne qui a perdu tout contact de la vérité qu’il y a dans la réalité. Ainsi tout se fait en désordre… Par ex. On décide, d’après une ordonnance gouvernementale que l’on va en vacance tel jour plutôt que tel autre, surtout quand cela arrange l’administration… Mais il existe des jours de vacances naturels et ce n’est pas une décision gouvernementale qui changera cet ordre… On a définitivement fait fi des rites naturels.
Le jour de Péssach, c’est le jour de Péssach, il n’y en a pas d’autre… Alors qu’est-ce que c’est ce mystère qu’effectivement l’évènement s’est fait ce jour-là ? Serais-ce prédestiné ? Non, c’est normal… !
Par contre la conscience de l’homme civilisé a perdu tout contact avec ce phénomène, il ne sait plus de quoi il s’agit. Il croit que ce sont des procédés, des conventions, des habitudes. En bref, arbitraire…
Non ! Par exemple le jour de l’indépendance d’Israël, l’évènement a fait que l’ONU pendant deux mois a discuté : Est-ce qu’on ne leur donne pas d’Etat ou est-ce qu’on leur donne un Etat ? Et le jour où ils nous envoient un télégramme nous disant : « Vous pouvez déclarer votre Etat », était un jour déjà prévue presque 200 ans auparavant par le « Gaon de Vilna »…
Alors, nous allons nous affoler, comment a-t-il pu savoir ? Surement une coïncidence !
Une coïncidence de ce type-là ne peut pas être qu’une coïncidence mais c’est un autre ordre des choses que nous ne sommes pas tellement habitués. Le rythme naturel qui a sa propre cohérence!
Le monde moderne est primaire vis-à-vis des traditions. Les civilisés intellectualisés, appellent cela de la mystique. Ils se mettent par rapport aux traditions dans une position infantile de quelqu’un qui ne comprend rien en rien, parce qu’ils se sont coupés de ce type d’expérience des cohérences du monde.
Par contre un homme de la tradition (juive, par exemple) a une conscience lucide, précise, dans le détail des choses de ces cohérences-là. Et en étudiant ces thèmes il ne tombera pas dans des associations d’idées farfelues, mystiques dans le sens négatif car il ne s’agit pas d’étudier ces sujets seul, mais avec un maître. De cette manière, il ne sera pas frappé par des fausses analogies qui vous attribuent des « convictions magiques… » Il faut comprendre que ces études sont une sagesse pour elle-même et qu’elles sont d’une cohérence claire, simple et même concrète.

En conséquence, nous commémorons « en leur temps » בימים ההם בזמן הזה – bayamim hahem baseman hasé, des évènements advenus et qui se sont rangés à leur place dans le calendrier. Avant l’évènement des Maccabéens, le 25 du mois de Kislev, ce jour était commémoré mais était vide de son contenu historique. La question qui s’est donc posée était le diagnostic : Sommes-nous arrivés à l’évènement de signification de Hanouca ?
Le problème qui va rester un peu mystérieux c’est que c’est bien le 25 du mois de Kislev qu’historiquement cela a eu lieu. Disons que depuis toujours les rabbins s’avaient que ce sera à la date du 25 du mois de Kislev que l’évènement aura lieu. Mais ils ne savaient pas dans quelle année, à quelle époque, à propos de quel évènement ? Lorsque l’évènement est arrivé (la victoire des Maccabéens sur les Séleucides), la cour suprême rabbinique a compris que l’acte historique était venu et que c’était irréversible… Ce qui s’est passé dans le conflit entre les Juifs et les Grecs, cette réouverture du Temple, ce jour-là de cette année-là, c’est cela le HANOUCCA absolu.
Il nous reste à savoir pour quelle raison tout ce qui concerne Hanoucca, n’a pas été mis par écrit et nous est resté d’une manière uniquement orale ?

Dans le calendrier hébraïque, le 25 du mois de Kislev est toujours le jour où il y a inauguration de la lumière. Chaque fois que le Temple a été inauguré, c’était le (כ'ה (25 du mois de Kislev! L’inauguration du Tabernacle par Moïse au désert était un 25 du mois de Kislev. Et dans la cohérence du calendrier hébraïque, le jour qui commence au 25 du mois de Kislev, est ce que les astronomes appellent le « solstice d’hiver ». A partir du Shabbat de Hanoucca, les journées commenceront de nouveau à devenir plus longues. (Enfin on découvre que ce jour à un rapport avec la lumière… !) Alors, le 25 du mois de Kislev, l’univers est en « Hanoucca », il y a « ré- inauguration » de la lumière.
La chrétienté reprendra par la suite cette tradition avec la Fête de Noël en allumant des lumières sur leurs sapins. Et l’ironie de tout cela, c’est que les Chrétiens ont fixé cette fête au 25 du mois de décembre…
Le Midrach explique cela de la manière suivante :

L’histoire du Premier Homme !
« Cela commence à Rosh Hashana, le nouvel an du calendrier juif et ou commence le processus du Jour du Jugement = Yom Kippour. Et puis malchance, l’histoire du « premier homme » commence par une faute. Le même jour il est jugé, c'est Rosh Hashana. Et ainsi à partir de Rosh Hashana, Adam voit la lumière diminuer dans le monde. Tout de suite il se dit que cela devait être de sa faute, que la lumière quitte le monde et que les jours se raccourcissent de plus en plus. (Il faut nous imaginer que c’est la première fois que le Premier Homme découvre ce phénomène).
Toutefois nous arrivons au 25 du mois de Kislev. Et à partir de ce jour, la lumière recommence à se prolonger. Il se dit : « Je suis sauvé ». Alors il a institué un rite que ce jour-là de l’année soit inauguré la Fête des Lumières, en allumant des lumières. Ceci est le premier « Hanoucca - Inauguration » de l’histoire du monde ».

Nous voyons comment l’histoire du premier homme est reliée au rythme de l’histoire naturelle. D’ailleurs dans toutes les grandes traditions à cette époque de l’année, il y a des rites de lumière, puisque cela vient du Premier Homme. C’est un rite authentique mais cela dépend de la signification qu’on lui donne… Un exemple de Guématria (cette science qui nous fait comprendre que les lettres ont leur correspondance dans les chiffres)
Dans la Torah, quand D. dit : « Que la lumière soit », en hébreu cela s’écrit : יהי אור - yhi or - la lettre yod est י=10, la lettre hé est ה=5 et de nouveau la lettre yod י=10 la somme des chiffres nous donnes 25 ! Oups... Coïncidence, comme diraient les « civilisés intellectualisés ». En bref, presque dans toutes les grandes traditions, le chiffre 25 a un rapport avec la lumière.

La suite sera pour l'année prochaine!

!חג אורים שמח
Bonne Fête de Hanoucca!

Claude!